top of page

NOUS, ENFANTS MODELES

"Aujourd'hui j'étais invitée au mariage de ma meilleure amie. Je n'étais pas juste invitée, j'étais son témoin. C'était magnifique, comme dans un conte de fées. Elle portait une robe de princesse et lui ressemblait forcément à un prince charmant. Ce que mon amie ne sait pas, c'est que je suis la maîtresse de son mari depuis deux ans et demi et qu'il y a deux jours on a enterré ensemble sa vie de garçon.

Je suis vraiment un témoin modèle."

"Hier soir mon fils de 50 ans a passé la soirée avec sa meilleure amie. Il a du rentrer fort tard, moi je dormais. Ce matin j’ai vu que la voiture de la copine était garée dans la cour. Je me suis dit que ces deux là avaient sans doute oublié qu’ils ne dormaient pas dans le même lit. Je suis allé chercher 3 croissants. Elle n’a pas dormi là. On a mangé tous les croissants..

Je suis vraiment un père modèle."

"Ma fille et son ami me disent : Maman, on doit t’annoncer qu’on n’est pas prêts du tout à avoir des enfants.

Je réponds que tant mieux, moi non plus.

Je suis vraiment une future grand-mère modèle."

"Je fais mes courses à Séphora. je vous ai mis des échantillons, dit la vendeuse. Une petite crème anti-rides pour les yeux, un sérum raffermissant pur la nuit, une crème repulpante pour les lèvres, et les nouveaux parfums pour homme. Je lui redonne tout. Merci pour le compliment, je ne me suis jamais sentie aussi vieille. Et j’ai pas de mec. Elle me regarde et bredouille des arguments que je n’écoute pas. Je suis déjà partie.

Je suis vraiment une cliente modèle."

ECRIVEZ VOS HISTOIRES

 

Cliquez sur "Ecrire".

 

On est tous l'enfant modèle de quelqu'un ou de quelque chose: le fils modèle, la compagne modèle, le copain modèle, la maîtresse modèle, l'employé modèle...

 

On interprète le rôle convenu sur la scène de la vie. Parfois ça dérape, nos actes ne correspondent plus aux attentes.

 

De là naissent des moments de tensions internes qui peuvent être inconfortables, drôles, jubilatoires...

 

Envoyez -nous les vôtres, racontez vos histoires d'enfants modèles.

 

Pour ça, deux règles simples:

Ecrivez à la première personne du singulier et terminez votre histoire par : "Je suis vraiment un (...) modèle.

(...) parent,enfant, employé, amant, etc. etc.

 

Cliquez sur "Ecrire".

Je suis au téléphone avec ma belle-mère. Ma fille de trois ans piaille à côté de moi. Elle crie "Mamie, mamie." A un moment, elle crie tellement fort que je n'entends plus la conversation. Je me retourne vers elle et je lui dis : "Si tu continue comme ça tu vas aller vivre chez mamie, d'accord?" Elle arrête de pleurer. Elle me fixe avec des grands yeux tristes et elle se met à pleurer.

Je suis vraiment une mère modèle.

Je suis caissière au grand supermarché de Point-a-Pitre. En aout il y a tous ces touristes de la métropole. Ils m’énervent, ils sont toujours pressés. Quand j’en vois un arriver je ralentis la cadence. Et quand ils s’excitent, je parle en créole avec ma collègue.

Je suis vraiment une employée modèle.

Dès fois on s'amuse au travail. Ce matin par exemple une étudiante infirmière de première année vient me voir et me demande quoi faire pour le Monsieur de la chambre 17 qui n'a pas uriné depuis son retour de bloc. Je lui réponds: "Il n'y a qu'une méthode. " Et elle: " Ah bon? Et comment on fait?." "Il faut le masturber un tout petit peu, ça aide à faire venir l'urine." Là elle s'en va et je pense qu'elle a compris. Mais quand elle revient 10 minutes plus tard, elle me dit: "Il n'a toujours pas uriné mais il a eu l'air très content. C'est bon signe?"

Je suis vraiment une infirmière modèle.

J’habite en banlieue proche de Paris. Je plante des fleurs, je fais pousser des légumes, des fruits, j’ai du raisin sur mon balcon, des pommes de terre dans la pelouse, des tomates dans les pots de fleurs. Seulement voilà, les oiseaux mangent tout. Enfin, mangeaient. J’ai tendu des filets tout au-dessus de mon jardin, comme un grand chapiteau. Ça surprend un peu, mais au moins les gros oiseaux ne rentrent plus. Les petits, ces imbéciles, passent au travers des mailles et ne savent pas s’échapper. Ma voisine fait une drôle de tête devant ma volière.

Je suis vraiment un voisin modèle.

La chambre de mon adolescent est un champ de bataille. Les objets, papiers, livres, vêtements propres et sales, bols, serviettes de toilette, tout tombe inexorablement au sol de façon totalement désordonnée et inexpliquée. Je me rebelle, j’exige de l’ordre et du rangement

L’ado murmure :

- J’vlfr

- Comment ? Je ne comprends pas

- J’VAIS L’FAIRE !

A J+7, à la vingt-troisième demande, je cède. C’est intenable, je range tout. Je sais que dans deux jours au maximum, on retourne à la case départ.

- J’vlfr

Je suis vraiment une mère modèle.

Ce matin, je m’assois au bureau de ma collègue pour chercher un dossier. Et c’est là que je le remarque. Sur le côté de l’ordinateur il y a un post-it, un de ces petits carrés jaunes a priori inoffensif. Un peu curieux, je m’en saisis. Dessus elle a écrit : « 1. Allumer l’ordinateur. 2. Introduire la clé usb. 3. Entrer l’identifiant. 4. Entrer le mot de passe. » Ça m’interroge. Elle fait ça pour tout ? J’essaie de visualiser son appartement et je suis pris d’un fou rire. Sur son four : 1. Allumer le four. 2. Attendre la fin du préchauffage. 3. Introduire le plat. 4. Programmer le minuteur. Et sur la porte d’entrée ? Et sur son radio réveil ? Sur sa télé ? Sur ses enfants ? A côté de son lit j’imagine qu’il y en a deux : Un quand elle dort seule, un quand elle est accompagnée.Juste pour tester sa réaction, je garde le post-it "ordinateur" dans ma poche. Je me demande comment elle va réagir. Est-ce qu’elle va savoir qu’il faut allumer son ordinateur ? Quand introduire la clé usb ? Il me tarde tellement d’être demain.

Je suis vraiment un collègue modèle.

J’habite en proche banlieue parisienne. Mes voisins ont installé un poulailler. Ça braille là-dedans. Mon fils se demande si tuer des poules c'est grave. Moi je suis non violente, je pensais les pousser au suicide, en leur projetant chicken run. Mon copain a trouvé plus efficace: des affiches de KFC.

On est vraiment des voisins modèles.

« Quand j’étais au CP, la maîtresse nous a demandé de trouver un parfum de glace dont le nom se terminait par –ille. J’ai cherché, cherché, mais rien. Alors j’ai regardé sur ma voisine et j’ai copié ce qu’elle avait écrit. Quand la maîtresse a interrogé les élèves, nous étions les seuls à déclarer manger des glaces à la… camomille.

Je suis vraiment un élève modèle. »

Ce soir je dîne avec une amie dans un restaurant indien. Je me décide pour un poulet tikka. Le serveur m’assure que ce sera pas trop piquant. Mais à la première fourchette, j’ai le feu dans la bouche. J’appelle le serveur : c’est trop épicé. Il me dit qu’il me refait l’assiette en moins épicé, et m’explique qu’il a déjà demandé en cuisine d’alléger l’assaisonnement. Je goûte.- ça va Madame, c’est mieux?- ...non, c’est encore épicé, je suis désolée je ne peux pas manger, c’est vraiment impossibleLe serveur reprend mon assiette sous les yeux horrifiés de mon amie qui me dit qu’elle ne me comprend pas. Ce n’est pas la première fois que je mange des plats indiens, je devrais savoir.A la troisième assiette, je démissionne, ça m’énerve vraiment, je demande un doggy bag. Mon amie est verte de honte.

Je suis vraiment une cliente modèle.

Depuis qu’on a quitté le concert, son angoisse monte. Elle flippe de prendre le RER C toute seule. Il est 22h30. Quand on arrive sur le quai, elle me dit : « Il y a des types inquiétants quand même. » Alors pour la « rassurer » je lui dis : « ça me rappelle l’autre soir, j’ai pris le D et il y avait un mec, je te jure… » « Un mec comment ? » « Un bien balaise, complètement bourré, il se jetait sur toutes les femmes de la rame. » « Tu plaisantes ? Et il leur faisait quoi ? » « Pas grand-chose, il voulait juste un petit câlin. » Son train se gare. Les portes s’ouvrent et elle me lance un sourire crispé en montant dans la rame. Mon histoire de mec balaise est totalement inventée.

Je suis vraiment un pote modèle.

Le jeune homme, 23 ans, est admis pour tentative de suicide. Il a pris 7 lexomils… 7… C’est lui qui le dit. Qui peut penser y passer avec 7 foutus lexomil ? Là il est dans un box, je l’entends pleurer. Quand je vais le voir, il m’explique que sa copine l’a plaqué, il geint, il supplie pour qu’elle revienne. Il me fatigue. Je suis trop claqué et j’ai trop de boulot pour écouter ça plus longtemps. Je remarque une croix autour de son cou. « Vous êtes catholique ? » je lui demande. « Oui, pourquoi ? » il répond. « Et pratiquant ? » « Oui. » « Votre copine le sait ? » « Evidemment. » D’accord… Alors vous savez comme moi que votre tentative de suicide c’est bidon et qu’elle le sait aussi. Si vous voulez qu’elle revienne, ce chantage là ça ne va jamais marcher. Vous n’avez pas le droit de vous suicider, sinon c’est un aller simple pour l’enfer, la damnation et toutes ces conneries. » Il arrête de pleurer. Il paraît éberlué. Et je sors du box après avoir mesuré sa pression artérielle et son pouls.

Je suis vraiment un infirmier modèle.

J’ai tout de suite compris à sa mine, et peut-être même avant, à sa façon de tourner la clef dans la serrure, que mes soupçons étaient fondés. Mon propre regard a dû me trahir, car au lieu de suspendre son sac, elle l’a laissé choir à ses pieds. – Je vois quelqu’un, a-t-elle lâché d’un air perdu, comme si elle écoutait une autre prononcer ces mots. Tandis que me cœur implosait dans ma poitrine, j’ai convoqué en catastrophe mes grandes règles de vie. Les principes philosophiques auxquels je m’étais promis de rester… fidèle. – Mais tu fais ce que tu veux de ton corps, chérie. Elle attendait une explosion ; je lui offrais l’indifférence. Alors elle est montée dans la chambre et s’est jetée sur le lit. J’ai emporté mon café tremblant jusqu’au sofa pour écouter ma femme pleurer au-dessus de ma tête. En me persuadant, la mâchoire serrée à rompre, que chacun de ses sanglots me vengeait un petit peu.

Je suis vraiment un cocu modèle.

 

Un set partout. Balle de match. D’habitude je le bats facilement. Mais aujourd’hui, pour la première fois depuis qu’on joue ensemble au squash, il a l’occasion de gagner. Le point est engagé. Je me trouve en position idéale au centre du cours. Je le balade. Au prochain coup, je devrais conclure. Là j’entends le bruit sec de la balle qui touche le cadre de sa raquette. Sans le vouloir, il exécute un amorti parfait. Le temps que je le réalise, il est presque trop tard. Presque. Je me précipite vers le mur, sur lequel la balle s’écrase mollement. Elle retombe sur le parquet. Je tends ma raquette et la renvoie juste après un deuxième rebond. Je suis sensé avoir perdu, mais mon partenaire n’a rien vu. Il est trop loin pour reprendre mon coup. La balle touche le mur. J’ai « gagné ». Il a l’air dépité. Je ne dis rien pour le deuxième rebond. A la place je hausse les épaules et l’encourage. « Tu finiras bien par y arriver. »

Je suis vraiment un sportif modèle.

Pour l'enterrement de son père, un ami me demande si je pourrais jouer "Bésame mucho" à l'entrée du corps. Sans ciller, je lui propose de jouer "El condor pasa" après l'homélie, l'hymne au Che pendant la bénédiction et "La cucaracha" à la sortie, "afin d'impulser une touche latino à toute la cérémonie". "Super idée", lâche-t-il.

Je suis vraiment un organiste modèle.

Elle arrive avec sa tronche de biais. C’est littéral. Quand elle parle tout son visage part sur le côté et sa voix nasillarde paraît dégouliner jusque par terre. Elle, c’est une de mes supérieures hiérarchiques. Quand elle arrive comme ça, avec ce sourire qui fait trembler sa narine, je sais que les conneries vont s’abattre comme une punition divine. Je suis assis, je bois un café. Elle commence. Je suis en mode répondeur cognitif. Ça dure 5mn, son speech. Je n’ai rien écouté. Rien. Mais comme d’habitude elle ne s’en aperçoit pas. Alors je conclus : « Merci, c’était très instructif. J’entends ce que tu dis. » Et elle repart, satisfaite. Je n’ai pas la moindre idée de ce qu’elle veut. J’aurais au moins l’excuse de la bonne fois quand elle me comprendra que je ne fais pas du tout ce qu’elle m’a demandé.

Je suis vraiment un subalterne modèle.

Je suis surgé, surveillant général au lycée. Pendant les heures de perm, personne ne bouge. Un seul mot: 3 heures de colle le samedi matin. Tout le monde au travail, pas question de s’endormir, sinon 3 heures de colle le samedi matin. Bouquins, magazines: c’est pour moi merci, et 3 heures de colle le samedi matin. Pas le droit dessiner, sinon 3 heures ... Sauf si tu fais des mots croisés. J’adore les mots croisés. Alors là je t’aide. Les mots croisés, autant que tu veux.

Je suis vraiment un surgé modèle.

Dès fois on s’amuse au travail. Ce matin par exemple une étudiante infirmière de première année vient me voir et me demande quoi faire pour le Monsieur de la chambre 17 qui n’a pas uriné depuis son retour du bloc. Je lui réponds : « il n’y a qu’une méthode. » Et elle : « Ah bon ? Et comment on fait ? » « Il faut le masturber un tout petit peu, ça aide à faire venir l’urine. » Là elle s’en va d’un pas décidé et je pense qu’elle a compris. Mais quand elle revient 10 minutes plus tard, elle me dit : « Il n’a toujours pas uriné mais il a eu l’air très content. C’est bon signe ? »

Je suis vraiment une infirmière modèle.

Il y a deux jours, un des étudiants jouaient sur son portable pendant mon cours. Il était là, juste devant moi, au deuxième rang. Il ne se cachait même pas. C’était vraiment ostentatoire. Comme s’il voulait que je le voie. Je me suis dit qu’il voulait certainement me dire quelque chose quant à l’intérêt de mon intervention. Je n’étais pas tellement d’humeur, alors je l’ai pourri devant toute la classe et je l’ai viré de cours.Aujourd’hui je suis en formation sur l’apprentissage en stage. C’est tellement ennuyeux que j’envoie des messages via facebook et des textos à mes collègues et à mes potes. Je ne sais pas si les intervenants me voient faire. Je m’en fous, je m’emmerde trop. Et là je repense à cet étudiant que j’ai viré.

Je suis vraiment un enseignant modèle.

Je la fais rire. Elle me dit que je suis une vraie source d'inspiration pour elle. Qu'elle pourrait écrire des milliers d'histoires dont on serait les héros tous les deux. Elle me regarde avec le sourire dans ses yeux bleus. Je ne veux pas trop le voir, mais elle est très amoureuse de moi.

- oui tu peux, tu peux même romancer si tu veux.

Je suis vraiment un amoureux modèle.

Il est fou amoureux d'elle. Cette nuit est leur première nuit, il est comme dans un rêve. Il se réveille, bouge un peu, doucement étend son bras pour lui caresser les cheveux. Il pousse un cri: c'est mon dos qu'il est entrain de caresser. C'est alors qu'il me voit, dans les bras de sa belle.

Je suis vraiment un nounours modèle.

Je suis le gardien des jardins merveilleux. Ce soir encore je suis de garde, c’est visite nocturne jusqu’à minuit. Je me fumerais bien une petite clope. Je vais me cacher au fond d’un jardin non illuminé. Ni vu ni connu. J’entends des pas. Non mais c’est fermé là, ils n’ont pas le droit. J’écrase ma cigarette. On ne peut même pas être tranquille cinq minutes. Et là je les vois, en face de moi, sur les chaises en rotin. Ils font l’amour. Je pense d’abord à les pincer, mais je reste là à les regarder.

Je suis vraiment un gardien modèle.

Je suis dans le caniveau, en train de ramasser les crottes de mon chien quand, derrière moi, j'entends deux trentenaires pester contre les cabots qui dégueulassent Paris. Je finis ma tâche, je prends mon sac et j'en étale son contenu sur le siège de la moto que ces donneurs de leçons ont garé sur le trottoir avant de disparaître. Excellent ramasseur de crottes, maître responsable, customisateur bénévole.

Je suis vraiment un citoyen modèle.

Je me souviens d’un type avec une veste à petits carreaux sur la boite du jeu Mastermind mots et chiffres. Quand j’avais 8-9 ans, on y jouait avec ma mère. Et puis un jour, elle a gagné plusieurs partis à la suite et ça m’a énervé. Alors quand elle a quitté l’appartement pour se rendre chez le buraliste, plutôt que de ranger les petits carrés en plastiques sur lesquels étaient inscrites les lettres, je les ai jetées dans le vide-ordure. Quand elle est rentrée, ma mère m’a demandé si je voulais refaire une partie. J’ai répondu, agacé, qu’on ne pouvait pas parce qu’il n’y avait plus de lettres. Elle les a cherchées et a fini par en retrouver collées un peu partout dans le vide ordure. Une orgie de lettres. « Pourquoi tu as fait ça ? » « J’aime pas perdre. »

Je suis vraiment un enfant modèle.

 

Quand elle me demande un doggy bag en éclatant de rire avec ses deux potes, je me dis qu’elle n’aurait pas dû prendre un deuxième pinte juste parce que c’était encore l’happy hour. Je souris à la blague mais je ne me démonte pas et vais chercher un sac en plastique transparent. Je m’empare de son verre et verse le contenu dans le sac. Je fais un petit nœud et lui tend. « À emporter » je lui annonce. Après un temps d’hésitation, elle finit par s’en saisir, quelque peu ahurie. Quand je la vois partir avec son petit sac rempli de bière, je me dis qu’il ne manque qu’un poisson rouge à l’intérieur.

Je suis vraiment un serveur modèle.

Le conservateur du musée me prévient : "Pour cette fois, vous évitez les critiques parce qu'on en a marre de votre ironie, compris ?" Donc je commence la visite dehors en annonçant : "Mesdames, messieurs, nous allons commencer par visiter toutes les pièces du château qui n'ont pas souffert des réductions budgétaires." J'attends cinq secondes, puis j'enchaîne : "Et maintenant, passons à celles qui auraient besoin de ne serait-ce que d'un mois de salaire de la ministre." Une heure et demie plus tard, le conservateur me suit dans la salle du personnel et m'interdit de remettre les pieds dans son musée. Mon étonnement est à son comble.

Je suis vraiment un guide modèle.

Treize heures. J’ai prévu d’aller au ciné d’ici un quart d’heure. Texto. Ma sœur. Elle me propose de passer l’après-midi avec elle et sa petite famille. Je me projette le film de cet après-midi là. Promenade. Poussette. Beaucoup d’énergie. Pffff… Donc j’attends pour répondre, j’attends d’être dans le RER : « Dsl. Ds RER. Ciné. Tel après. »

Je suis vraiment une sœur modèle.

Depuis mon berceau je les vois arriver, poser leurs chaussures, se laver les mains, se les frotter longuement avec un produit qui sent mauvais. Maman vérifie qu’ils sont bien vaccinés contre la coqueluche, et là seulement ils ont le droit de me toucher. Maman et Papa disent que les bébés c’est très fragile. Alors je n’ai jamais vu le monde à l’extérieur, parce que c’est sûr, il y a plein de vilains microbes. La semaine dernière ils ont fait un casting pour une nounou. Elle est arrivée, a posé ses chaussures, s’est lavé les mains: elle a été prise tout de suite. Mais moi je l’aime pas, elle est pas belle et elle sent le liquide pour se frotter les mains. Aujourd’hui c’était son premier jour avec moi. J’ai hurlé sans m’arrêter toute la journée.

Je suis vraiment un bébé modèle.

Ce soir j’accompagne la fille de mon ami à un repas de famille, sa (peut-être) future belle-famille. C’est l’anniversaire de son amoureux. Mais la vraie star de la soirée c’est un joli petit bambin de quelques mois accroché à son biberon qui agite ses petits pieds sans se soucier de tout ce monde qui s’émerveille autour de lui. Maman et Papa sont tout à ce petit être déjà si tyrannique, ostensiblement stressés, suspendus à la lumière verte du babyphone.

- Je crois que je ne veux pas d’enfant me dit Manon en aparté.

Future (peut-être)Belle-maman tend l’oreille.

Je réponds :

- Ma fille non plus, elle n’en veut pas. Déjà l’idée de devoir arrêter son travail lui parait totalement impossible. D’ailleurs, même moi à votre âge, je n’avais pas d’enfant.

Manon sourit. Elle voit les yeux de future (peut-être) Belle-maman s’arrondir, sa bouche s’entrouvrir, restée sans voix.

Je suis vraiment une marâtre modèle.

 

 

 

 

Tout se joue toujours sur un détail. Ce jour-là c’est ma chemise. Je ne porte jamais de chemise. Alors quand mes camarades me voient arriver en chemise, ils me croient. Tout à coup, même les plus sceptiques croient à l’information que j’ai véhiculée la veille via notre groupe Google : Un de mes potes journalistes m’a affirmé que Roselyne Bachelot, la ministre de la santé en personne, devait nous remettre nos diplômes de cadre de santé. Branle bas le combat. Tout le monde se prépare. Certaines se remaquillent dans les toilettes. D’autres me confirment la validité du tuyau. Tout le monde est en alerte. Elle doit arriver à 11h30. Une certaine fébrilité se lit sur les visages à mesure que la matinée avance. Les 75 étudiants attendent. Quand 11h30 sonne, une formatrice annonce l’arrivée tant attendue de la ministre. Mais tout ça, c’est faux. Et tout ce mensonge tient, à l’origine, à un détail. Ma chemise. Alors quand la directrice de l’IFCS pénètre dans la salle au bras d’une fausse Roselyne toute de rose vêtue, mes camarades applaudissent la ministre puis se décomposent en comprenant la supercherie et enfin sourient du canular.

Je suis vraiment un camarade de classe modèle.

 

 Je suis en formation continue. Ça s’appelle l’IFCS, l’institut de formation des cadres de santé et ça dure un an. Depuis le début, les formateurs nous demandent de travailler en groupe et de présenter nos travaux sur des paper-board. Aujourd’hui ça doit être le 15ème travail de ce type. Tous les 6, on en a ras-le-bol. On décide donc de changer la règle. Et quand vient notre tour de présenter, je vais au tableau et y colle un post-it sous le regard effaré des formateurs.

 

Je suis vraiment un élève modèle. »

On est en soirée avec ma sœur. Moi je passe vraiment un bon moment. Je rencontre plein de gens sympas, intéressants. Je papillonne entre les groupes, m’insère dans les discussions. Je me sens vraiment à l’aise. Il y a des étudiants de tous horizons : lettre moderne, cinéma, soins infirmiers, médecine, architecture etc. Ma sœur par contre est bloquée depuis une heure sur un canapé avec un type dont l’allure laisse présager l’ennuie. C’est assez étrange la connaissant, mais elle n’a pas trouvé le moyen de rompre le contact. Pour aller aux toilettes par exemple, ou prendre un verre. Non, elle est comme cimentée par le désagrément. Sur son visage je lis un mixte de pitié et d’agacement. Mais elle reste là, prisonnière d’un temps suspendu au débit sans fin de ce garçon. Elle ne parle pas, hoche seulement la tête parfois. Lui ne repère rien, il a trop envie de susciter son intérêt. Je le comprends, elle est charmante ma petite sœur. Pour me rendre compte de la teneur de leur non échange, je me glisse derrière elle. Il me remarque à peine et poursuit son exposé sur ses projets pour l’avenir. Un type bon à marier, c’est ce que je me dis, et c’est ce qu’il parait chercher. S’il connaissait ma sœur comme moi, il arrêterait ça tout de suite. A peine dix secondes après que je me sois assise, ma petite sœur se tourne et me glisse discrètement : « Sauve-moi, je t’en supplie. » Je ne peux m’empêcher de sourire et de lui répondre : « Démerde-toi. » Là je me lève et m’éloigne. Elle me regarde, effarée. Et après ça dure. Ça dure. Ça dure. De temps à autres, je me place un peu derrière lui et fais des signes d’encouragements à ma sœur. Pouces levées. Danse de l’amour. Rictus lubrique. Elle me flingue juste avec ses yeux. Elle me déteste. Qu’est-ce que ça m’amuse.

Je suis vraiment une sœur modèle.

 

 

- Je ne suis pas dépressive, je t’explique : je ne présente aucun symptôme. Tu vois bien j’ai de l’appétit, je ne suis plus insomniaque, au contraire je dors beaucoup plus qu’avant et je n’ai aucun problème de libido. Regarde, je ne pleure pas non plus.

- Et sinon, tu es contente de ton nouveau poste ?

- Oui. Enfin oui et non. Tu comprends je ne sais pas si j’en suis capable.

- Ah, c’est pas un signe ça ? Et tu fais quoi de tes journées ?

- Je fais de la saisie informatique. Comme ça je ne pense rien.

- Oui ça c’est pas un signe.

- Mais non. Tu sais ce que j’ai fait la semaine dernière pour m’occuper? J’ai nettoyé les joints de la douche, avec de l’eau de javel et une brosse à dents. Tu vas voir c’est nickel. Aujourd’hui j’ai attaqué l’escalier et puis les deux terrasses.

- C’est sur ça c’est pas un signe. Et tu retravailles quand?

- Quand j’aurai l’aptitude médicale. J’ai bien dit au médecin que je voulais retourner au bureau, mais elle n’était pas d’accord. Elle m’a adressée à un psy.

- Et tu es allée au Grand Palais finalement?

- Non, pas envie. Je me disais que j’allais faire toutes les expos que je n’ai pas eu le temps de visiter, mais là j’ai plus envie.

- Ah oui, ça c’est pas un signe.

J’ai comme l’impression qu’il ne me croit pas.

Pourtant je suis vraiment une non-dépressive modèle.

« Je reçois pour la troisième fois la "dame à la recherche de la perle parfaite.

- Cette perle a un défaut (ta gueule aussi, plusieurs même)

- La taille me dérange (ta gueule aussi me dérange)

- Vous pouvez dire a votre patron d'acheter un taille entre les deux, dans le teint rosé champagne et absolument parfaite?

Ma bouche tremble, mes narines s'ouvrent. La phrase débile qui marche toujours avec les conasses pour couper court arrive.

- Ne vous inquiétez pas, nous allons faire notre possible pour trouver votre perle rare.

Je suis vraiment un joailler modèle. »

 

 

« Ma mère prélève du vin directement dans les bouteilles avec une seringue et une aiguille et elle le remplace par de l’eau. Je l’ai grillée parce que ça laisse un minuscule orifice sur l’opercule et que les premiers crus de Chablis sont dégueulasses. J’ai déjà du mal avec son alcoolisme, alors si en plus elle se siffle mes super bouteilles. Non ! Je me suis vengée. Et depuis je peux boire mon vin tranquille. J’ai prélevé la moitié d’une bouteille intacte et je l’ai remplacé par autant d’eau mélangé à 250 gouttes de Loxapac (un neuroleptique sédatif). Le lendemain, ma mère a dormi 18 heures. Pour qu’elle pige, j’ai écrit sur ses deux avants bras au marqueur rouge : « Pas touche à mon vin ! La prochaine fois ce sera une dose létale.»

Je suis vraiment une fille modèle. »

 

« Putain… Dans la boîte aux lettres… Des prospectus, des prospectus, des prospectus… Ces putains de pub recouvrent mes lettres. Parfois on pourrait même les confondre. C’est tellement chiant. Et en plus je suis censé remonter tout ça chez moi… Alors je fais comme d’hab’, je les glisse dans la fente d’à côté, celle où il y a cet autocollant débile « stop la pub ».

Je suis vraiment une voisine modèle. »

 

« Je ne suis pas censé faire de commentaires aux clients, surtout les nouveaux. Mais celui là m’énerve. Il vient régulièrement ici depuis un peu moins d’une semaine et demie. Il doit avoir dans les 35 ans j’imagine. Aujourd’hui, il boit un verre avec une troisième femme différente, tout aussi jolie que les deux précédentes. A chaque fois, ils ont tout un tas de documents. Ils travaillent, genre. Alors quand la jeune femme se rend aux toilettes, je m’approche pour lui demander s’il veut quelque chose et puis je lui dis sur le ton de la confidence : « Vous n’arrêtez pas de travailler vous on dirait. »

Je suis vraiment un serveur modèle. »

 

 

« On m'avait prévenu : - Pour cet enterrement, attention à la fille du défunt, elle risque de t'agacer. Je suis organiste, ça ne m'impressionne pas, j'en ai maté de coriaces. Pourtant, après six coups de téléphone et quatre courriels en deux jours, nous eûmes cet échange par inbox interposées :

- Merci de confirmer que vous ne jouerez pas d'Ave Maria. En outre, pour le chant de sortie, nous préférons 'Somewhere over the rainbow'. Nous voudrions aussi que vous justifiez l'usage d'un chant profane, à savoir une chorale de Bach. Il est urgent d'avoir une réponse de votre part.

- Chère madame, je vous remercie pour votre courriel du dimanche soir. Vous trouverez ma réponse dans le refrain de la chanson profane jointe, en l'espèce "Fuck you" de Lily Allen. Gros bisous. (PS : le curé étant en copie de ce courriel, inutile de me 'signaler' comme vous avez proposé de le faire, il est déjà au courant comme dirait EDF. Comme ça, vous pourrez économiser votre énergie, vous aussi.)

Faute d'être sûr d'être un bon organiste, je crains d'être, au moins, un diplomate modèle. »

 

Maman est si jolie quand elle dort, ses longs cheveux dorés éparpillés sur l’oreiller, les paupières closes sur ses yeux bleu azur. Elle est si douce avec moi. Ce soir j’ai décidé de lui montrer combien je l’aime. La nuit est claire, les souris se promènent. J’en repère une petite, peu méfiante, qui se ballade sous la lune. C’est facile. Un coup de patte, et crac. je la dépose sur le rebord de la fenêtre de la chambre. La deuxième est plus grosse, une souris géante. Elle ne se laisse pas faire. Je la balance à travers la fenêtre ouverte. Elle court sur le lit de Maman. Non mais viens un peu souris, ah ah tu as cru m’échapper. Je la jette, la laisse courir un peu et la rattrape. Qu’est-ce que je m’amuse. Mais soudain je vois Maman qui hurle, horrifiée, voit le sang parterre et sur le lit, la souris écorchée encore vivante. Je voulais seulement lui montrer que je suis un bon chat. Je ne voulais pas lui faire si peur.

Je suis vraiment un chat modèle.   

 

Je suis en retard. J'ai une réunion importante. Mais ce matin la petite Lila est grognon. Elle ne veut pas son biberon. Je l'habille malgré ses protestations. Je vois bien que ça ne va pas, elle a le front tout chaud et les yeux qui larmoient. Pas le choix, une mesure de doliprane, et en route pour la crèche. A l'arrivée ça va mieux, la potion magique a œuvré. Je cours a ma réunion. Je sais que tôt ou tard on va m'appeler. 
- Bonjour c'est Karine puéricultrice. Je vous appelle parce que Lila a 38.9, vous pouvez venir la chercher? Elle allait bien ce matin? 
- Oui très bien, c'est bizarre. 
Je suis vraiment une (working) maman modèle.

 

Lila, bébé modèle, fille de working Mam

 

J'ai chaud, j'ai froid, j'ai mal à la tête. J'appelle Maman mais elle ne vient pas. Mon oreiller est tout mouillé, je suis pas bien. J'hurle. Mamaaaaaaaaaaaaan... Ah enfin. Non pas de biberon, pas faim. Noooooon !!! Mais je rêve, elle m'habille pour la crèche là, je suis malade moi ! Ah oui du sirop, j'adore ce sirop. Dans la voiture je me rendors, je suis bien. Maman me pose dans mon petit lit de crèche, avec mon doudou, je me rendors.

Mais au réveil, ça recommence, j'ai chaud, j'ai froid, et ce mal de tête...Mamaaaaaan !!!
- Non mais j'y crois pas elle a 38°8 la petite Lila. Sa mère n'a rien dit, comme d'habitude. Je l'appelle tout de suite. J'en ai marre de ces mères indignes.
Ah enfin, Maman va venir me chercher.
Je suis vraiment un bébé (working) modèle 

 

 

Je lui ai dit: “Vous les jeunes, vous divorcez tous. Moi ça ne m’est jamais venu à l’esprit, pourtant ça n’a pas été toujours rose avec ton père.  Et ensuite vous vivez d’une façon que je ne comprends pas, ça me dépasse. Remarque c’est plutôt facile, on se voit une fois de temps en temps pour passer un bon moment, et comme ça on reste libre”. J’ai vu ses yeux se remplir d’eau et elle m’a dit vivement: “Voilà ce que tu penses de moi: je suis une pute de luxe”.

Je suis vraiment une mère modèle. 

 

Elle a sorti son petit porte-monnaie et a demandé un carnet de tickets. Il y avait du monde au guichet. Quand elle a déposé toutes ses pièces rouges en vrac, ça m'a un peu agacé. J'ai commencé à compter tranquillement toutes les pièces une à une. Les clients dans la queue se sont vite énervés. Moi non. 
- Excusez-moi, ça va être un peu long, Madame paye en pièces rouges, pardon. 


Je suis vraiment un agent sncf modèle.

 

 

 

 

 

 

bottom of page